Nous avons déjà exprimé notre point de vue sur Gabor Vona et le Jobbik, qui est de loin le parti politique le plus proche de nos idées en Europe. A noter que son charismatique chef, Gabor Vona, a préfacé un recueil de textes du non moins célèbre Julius Evola.
Cette entrevue avec le site d'informations Pro Russia est intéressante à plus d'un titre:
1. Vous êtes le président du Jobbik, la 3ème force politique en Hongrie. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
En tant que personne ?
Oui, et en tant que président du Jobbik.
J’ai 34 ans, je suis professeur d’histoire, père d’un enfant. Je suis
le président d’un parti radical célèbre ou mal famé en Hongrie, qui se
situe tantôt en deuxième ou en troisième position sur l’échiquier
politique. Et peut-être, ce qui est le plus important concernant le
parti, ce qui montre sa force et ses réserves pour l’avenir : le Jobbik
est en 1ère place en Hongrie au sein de la jeunesse, ouvrière aussi bien
qu’intellectuelle. Dans la jeune génération montante, nous ne sommes
plus en deuxième, mais explicitement en première position. Cela me
démontre que nous possédons et nous représentons quelque chose qui, à
long terme, déterminera les événements et la vie publique de la Hongrie.
2. Il y a 10 ans, en 2003, le Jobbik a été créé.
Qu’est-ce qui vous a poussé, vous personnellement et vos amis, pour
créer un nouveau mouvement politique ?
En 2002
ont eu lieu des élections au cours desquelles sont revenus au pouvoir
les partis de la gauche socialiste, qui n’auraient jamais dû avoir la
possibilité d’exister en tant que partis politiques après le changement
de régime. Et pourtant, ils sont revenus. Ce fut une sorte de choc pour
nous. À cette époque, nous étions étudiants en fin d’études.
Moi
et mes compagnons, qui avions créé cette organisation [le Jobbik a
d’abord été fondé en 1999 comme mouvement étudiant], avons décidé
d’essayer de transformer en parti politique nos réseaux qui
fonctionnaient déjà comme une organisation et un mouvement de jeunesse,
et de faire apparaître dans la vie publique hongroise une force
politique, nouvelle et plus fraîche, issue de notre génération, libre de
tous les crimes et saletés du régime précédent. Les premières étapes
ont été très difficiles. Beaucoup de gens voyaient là une tentative sans
lendemain parmi d’autres, mais nous croyions très fort être capables de
créer un nouveau mouvement politique d’envergure.
Notre
foi a été finalement couronnée de succès. Aux élections européennes de
2009 – alors que les sondages avaient donné 1 % pour notre parti – nous
avons obtenu un résultat entre 14 et 15 % et avons fait entrer trois
députés au Parlement Européen. L’année suivante, en 2010, en doublant le
nombre de nos suffrages exprimés, avec 17 %, nous sommes entrés au
Parlement, comme une force nouvelle et fraîche. Pendant ces trois années
écoulées, non seulement nous avons stabilisé notre place dans la vie
publique hongroise, mais je crois que nous avons également pu augmenter
notre influence auprès des Hongrois, et que nous allons continuer de
progresser. À mon avis, nos résultats seront encore meilleurs aux élections de 2014 qu'ils ne l'étaient à celles de 2010.
3.
Cela fera bientôt un quart de siècle que le régime communiste s’est
écroulé en Europe et en Hongrie. Quel est votre avis sur les 25 années
écoulées, y compris sur le régime démocratique et sur l’entrée dans
l’Union Européenne réalisée en 2004 en Hongrie ?
Je considère ces 23 années passées comme une sombre période. Le pays
peut être nommé postsocialiste, non seulement dans des analyses de
sciences politiques, mais aussi dans son fonctionnement, puisque le pays
est dirigé par les mêmes hommes, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Ce sont les mêmes personnes qui étaient déjà les profiteurs de l’ancien
régime. J’ai l’habitude de dire que si le changement de régime n’avait
pas eu lieu en Hongrie, ce seraient les mêmes au gouvernement, qui y
étaient déjà sous le régime communiste. Bien que la Hongrie soit
transformée dans ses institutions, et soit devenue en apparence un pays
démocratique, en réalité, ce pays est toujours dirigé par les mêmes
personnes qu’avant, donc cette transformation n’a donné aucune garantie,
aucun changement de régime. Tout cela est exaspérant, et a marqué de
son empreinte les 23 dernières années.
Il faut parler
aussi de notre entrée dans l’Union Européenne, car cette dernière a
prêté son assistance au processus qui a permis, après la chute de la
dictature, que le socialisme puisse capter l’héritage et conserver le
pouvoir politique et économique en Hongrie. L’UE elle-même a fraternisé
avec ces milieux, leur accordant légitimité et possibilité d’agir.
Toute cette entrée dans l’Union Européenne a mis en marche un processus
dont nous payons aujourd’hui les pots cassés. En Hongrie, beaucoup de
gens croyaient que l’Union Européenne allait réunir tous ses membres
autour d’une grande table pour décider d’un commun accord : quel pays
est bon en ceci ou en cela ? Que peut-on ajouter à la collaboration
européenne ? En résumé, les gens pensaient que nous allions essayer de
former une coopération profitable à tous.
Contrairement à cela,
voilà ce qui se passe : les gros poissons avalent désormais les petits.
Autrement dit : les Occidentaux avalent les Orientaux. Je vois ainsi,
hélas, que l’Europe occidentale, et surtout le tandem germano-français,
considèrent la Hongrie comme une sorte de base de recrutement de
travailleurs à bas prix, un débouché facile pour leurs produits et leurs
dépôts d’ordures.
Je pense que notre rattachement à
l’Union Européenne est un échec. C’est un échec flagrant pour le pays et
ne parlons pas de toute cette Union Européenne que je vois comme une
communauté qui avance en chancelant vers sa chute. Voici comment je vois
les choses : la Hongrie ne fera plus partie de l’Union Européenne, pour
la simple raison que cette Union Européenne va sous peu cesser
d’exister.
4. Il y a 3 ans, le Fidesz a repris le
pouvoir qu’il avait déjà eu une fois depuis le changement de régime.
Pendant ces trois années, le gouvernement Fidesz-Démocrate-chrétien fut
la cible de nombreuses attaques venant de l’étranger, aussi bien de la
part des médias que de certaines institutions européennes. Vous, en tant
que dirigeant d’un parti d’opposition, comment voyez-vous l’activité du
gouvernement Fidesz pendant ces trois dernières années ?
Selon moi, tout à fait indépendamment de leur propagande, le
gouvernement du Fidesz n’a pas achevé ces 20 ans – comme il prétend
avoir clôturé la période postsocialiste provisoire et avoir apporté une
ère nouvelle – mais en réalité, ces trois ans sont le couronnement de ce
même processus. Donc, dans un certain sens, Viktor Orbán est devenu le
plus grand profiteur des mensonges de ces vingt dernières années. Moi,
je pense que le présent gouvernement appartient encore au passé et
nullement à l’avenir.
Concernant les disputes de ce
gouvernement avec l’Union Européenne, je pense qu’il faut bien évaluer
ce processus. Il ne s’agit pas d’une discorde entre l’Union Européenne
et Viktor Orbán, mais d’une lutte entre le Fidesz – faisant partie du
Parti Populaire Européen – et les socialistes et libéraux européens pour
obtenir le pouvoir politique en Hongrie.
En effet, si
nous examinons soit les vraies questions stratégiques, soit
l’exploitation économique de la Hongrie, soit encore l’avenir lointain
de l’Union Européenne, nous n’y voyons aucune différence ; Viktor Orbán
veut se faire passer en Hongrie pour un combattant de la Liberté, mais
en même temps, pendant les sessions de l’Union Européenne, il signe sans
cesse les décisions, les documents, les décrets qui œuvrent tous vers
la création des États-Unis d’Europe. Tout cela est inadmissible pour le
Jobbik.
Notre raisonnement est fondé sur l’idée d’une
Europe des Nations. Par exemple, lorsque je critique l’Union Européenne –
je veux éviter tout malentendu – je ne critique pas l’Europe. Je crois
que je suis cent fois plus européen que tous ceux qui parlent sans cesse
de leur Europe. Moi, je voudrais une vraie Europe, qui reste fidèle à
ses propres racines chrétiennes, antiques, grecques, romaines, une
Europe qui se construit sur la base de ses valeurs, qui les protège et
les défend contre toutes sortes d’ingérences. Mais je ne peux pas
appuyer ni une Europe américanisée qui renie sa propre culture, qui
prend faits et causes avec toutes les déviances, ni une Europe à l’âme
malade et qui a une économie stagnante. Je pense qu’amarrer la Hongrie à
ce bateau qui est en train de couler est un crime historique du présent
gouvernement hongrois.
5. Est-ce que la Nation
hongroise vivra encore à la fin de notre siècle ? Je pose cette
question, car d’après des statistiques officielles, il y a plus de
300.000 Hongrois qui vivent et travaillent à l’étranger, tandis que les
paramètres démographiques de la Hongrie sont de plus en plus négatifs.
Aussi la question est : à la fin de ce siècle, existera-t-il encore une
nation hongroise ?
En ce qui concerne les
statistiques officielles, nous devons les corriger. À mon avis, ce
chiffre est encore beaucoup plus grand. J’entends parler d’un
demi-million.
Dans un pays de 10 millions d’habitants, à l’heure
actuelle, il y a un demi-million d’hommes qui ont quitté le pays pour
des raisons existentielles et sociales. Ce ne sont pas des jeunes qui
veulent profiter de la possibilité de la libre circulation existant dans
l’Union ou qui tentent leur chance, mais ils sont vraiment des émigrés
économiques, sociaux.
Ils ne trouvent pas d’avenir dans leur
patrie et ils s’enfuient vers l’Occident, essentiellement en Allemagne
et en Angleterre, où on les attend d’ailleurs à bras ouverts, puisque ce
sont des hommes blancs qui arrivent d’un environnement culturel
chrétien, ils sont travailleurs et ne viennent pas pour perturber la vie
de la population autochtone. Qui plus est, ils représentent un bon
complément pour la démographie du pays accueillant. Ce qui est une perte
pour nous peut devenir pour l’Europe occidentale à moyen terme un
profit.
En fait, c’est le problème le plus grave, car si
d’un pays de 10 millions d’habitants, un demi-million s’en va pour
travailler, donc il ne part pas pour profiter des aides sociales, mais
il veut travailler comme il le voudrait dans son propre pays. Dans un
pays de 10 millions d’habitants, un demi-million, cela équivaut à la
perte subie dans une guerre mondiale. C’est un processus tragique. Je
pense que pour renverser la tendance, pour faire revenir ces jeunes, –
dont la plupart sont des sympathisants de Jobbik, j’en suis convaincu –
il faudrait des changements sérieux d’ordre politique, économique et
social dans notre pays. Mais opérer dans ce pays de tels changements, ni
le Fidesz, ni le MSZP (le parti socialiste), donc les précédents
gouvernements, n’en sont capables.
6. L’année
prochaine, il y aura en Hongrie des élections pour les Parlements
européen et hongrois, ainsi que pour les autorités communales. D’après
vous, le Fidesz pourra-il continuer à gouverner seul en 2014 ? Quels
sont les objectifs pour votre parti aux élections de l’année prochaine ?
Pensez-vous probable qu’à l’avenir, il y ait davantage de communes
dirigée par le Jobbik, comme c’est le cas à Gyöngyöspata, Tiszavasvári
et actuellement presque dans une douzaine d’autres ?
2014 est vraiment une année décisive, puisqu’il y aura trois
élections : au Parlement, aux autorités locales en Hongrie, et au
Parlement européen. Le Fidesz et le gouvernement actuel tentent tout
pour que la compétition ne soit pas égale pour tous. Ils ont
crée une nouvelle loi électorale, modifié les circonscriptions et les
règles de campagne électorale qui renforcent toutes leurs possibilités.
Mais malgré cela, en tant que président du deuxième ou troisième plus
grand parti de la Hongrie, je ne peux fixer d’autre objectif que la
victoire.
De toute évidence, je connais les réalités, je
sais que selon les sondages d’opinion, c’est le Fidesz qui a la plus
grande chance de vaincre, mais je n’aime pas être deuxième ou troisième.
Je ne crois pas non plus que ceux qui ont confiance en nous voudraient
se contenter de la troisième place. De toute façon, en 2014, c’est avec
l’espoir d’une victoire que nous devons nous rendre sur le champ de
bataille électorale. Ce qui est sûr, c’est qu’à à moyen ou long terme,
le temps travaille pour nous. Comme je l’ai déjà dit, dans le milieu des
jeunes notre popularité est grande, tandis que la base électorale de
Fidesz et de MSZP vieillit de plus en plus et disparait en partie. Je
pense qu’après un certain temps, tôt ou tard, la victoire du Jobbik
arrivera. Pour moi, ce n’est qu’une question de temps, et je suis sûr de
ceci : en 2014, quoi qu’il en soit, nous allons représenter une telle
force que nous serons incontournables en Hongrie ! Donc, l’objectif
minimal : représenter au Parlement hongrois, aux élections locales en
Hongrie, mais je pourrais ajouter en Europe aussi, une force si
importante qu’on ne pourra plus ne pas nous prendre en considération.
C’est l’objectif minimal et je pense que nous l’atteindrons.
7.
Pour beaucoup de gens, la politique étrangère du Jobbik peut être
quelquefois surprenante. Bien que les expériences historiques du peuple
hongrois avec les Russes soient passablement mauvaises, vous les citez
bien souvent comme futurs partenaires stratégiques de la Hongrie. Vous
avez effectué les années précédentes plusieurs voyages en Russie.
Pourquoi tenez-vous pour si importante la relation avec la Russie, et
comment les Russes considèrent-ils le Jobbik ?
C’est une question très difficile, car les relations russo-hongroises
sont influencées, jusqu’à nos jours, par des sentiments affectifs. Je
pourrais même citer l’exemple de ma propre famille, puisque mon
grand-père, dont je porte le prénom, est mort, pendant la Deuxième
Guerre mondiale, justement en luttant contre les Russes. Néanmoins, je
pense qu’il faut bien apprendre l’enseignement de l’histoire. Si nous
regardons bien, ce n’est pas un hasard si les Russes et les Hongrois ont
tant lutté entre eux. Cela veut dire que dans beaucoup de domaines,
leurs intérêts, leurs conceptions géostratégiques, leurs possibilités
sont identiques aux nôtres. La question est de savoir, si à l’avenir ces
domaines resteront toujours des sources de conflit, ou si nous pouvons
trouver des solutions pour les résoudre, si des solutions « main dans la
main » sont possibles.
De toute évidence, mon but est que cette
dernière option se produise. C’est une des raisons pour laquelle j’ai
accepté de diriger dans le Parlement hongrois la section amicale
russo-hongroise. C’est un grand honneur pour moi que de pouvoir diriger
dans le Parlement la section amicale d’un si important et puissant pays.
C’est avec de grands espoirs que j’ai saisi l’occasion, et je pense que
le Jobbik doit poursuivre une politique russe logique, qui doit avoir
pour but de rompre avec une politique extérieure antirusse due à cette
obligation « américano-conforme », pour enfin créer une relation de
partenariat avec Moscou. Cette idée gagne de plus en plus de terrain
dans la vie publique et le Jobbik joue le rôle de précurseur. Il y a
énormément de jeunes Hongrois qui – sous l’effet des idées du Jobbik –
ont repensé les relations russo-hongroises.
Je suis fier
et heureux de constater – aussi bien dans la diplomatie russe chez nous
que lors de mes rencontres avec les Russes chez eux – que la Russie suit
avec attention le Jobbik et nous considère comme un parti légitimement
élu. Ils ne nous diabolisent pas, comme la presse occidentale le fait
malheureusement très souvent, mais plutôt essaient de nous comprendre,
de nous considérer comme un partenaire, et regardent ce que notre parti
représente dans les relations russo-hongroises. Du moment qu’ils nous
regardent, ils doivent constater que nous comptons avec la Russie au
niveau stratégique. Je pense que la Hongrie ne pourra pas être forte à
l’avenir si elle n’est pas capable de créer une bonne et forte relation
de partenariat avec la Russie, dont nous avons besoin.
8.
Les partis et organisations de l’Europe occidentale partenaires du
Jobbik ont l’habitude de mentionner un deuxième sujet surprenant dans la
politique extérieure de Jobbik : l’attitude du parti envers la Turquie.
Le Jobbik considère la Turquie comme une amie et essaie de créer une
coopération avec les Turcs. Que peut-on savoir à ce sujet ?
On peut trouver beaucoup d’analogie dans nos relations avec la Turquie
et la Russie et dans notre politique vis-à-vis d’elles. J’ai dit dans
l’un de mes écrits que l’euro-atlantisme en Hongrie est terminé et qu’il
doit être remplacé par une politique eurasienne, ce qui sera une
rupture avec l’adéquation de notre stratégie avec la politique
extérieure américaine. Si nous examinons l’eurasisme, il y a deux
puissances qui le représentent le mieux : l’une est la Russie qui est en
même temps asiatique et européenne, de même que la Turquie. Pour la
Hongrie qui se trouve au centre de l’Europe, à mi-chemin entre l’Est et
l’Ouest, il est d’une importance capitale qu’elle cultive de bonnes
relations avec ces deux puissances. Cet intérêt est tellement évident
dans notre politique extérieure que celui qui le méconnaît, ne connaît
rien en politique. À ce titre, je considère la Turquie et la Russie
comme des pays très importants. C’est vrai, il y a beaucoup de faits
négatifs historiques qui alourdissent nos relations. Je me contente de
répéter : il faut apprendre les enseignements de l’histoire.
Ce
n’est pas non plus un hasard si nous avons eu beaucoup de conflits avec
les Turcs. Pour les Turcs aussi, l’Europe et l’Europe Centrale sont
importantes. Là aussi, il faut trouver la possibilité de coopérer, ce
qui sera bon pour nos deux peuples. Ceci facilitera peut-être
l’approfondissement des relations : il existe une relation affective ce
qui continue à gagner du terrain dans la société hongroise, c’est l’idée
du touranisme. Le renforcement, la renaissance de l’idée que l’origine
des Turcs et des Hongrois est commune, peuvent faciliter évidemment
l’établissement des relations politiques. Je constate que ces
possibilités n’ont pas encore été reconnues, ni par le MSZP ni
par le Fidesz. Donc, là aussi, comme dans la révision de nos relations
avec les Russes, c’est le Jobbik qui doit et devra jouer le rôle de
précurseur.
9. Dans votre stratégie de politique
extérieure, vous avez mentionné « l’axe de la mer à la mer » ce qui
annoncerait une alliance entre la Pologne, la Hongrie et la Croatie.
Selon vous, quel serait le but exact de cette alliance entre ces pays
d’Europe Centrale ?
Je considère qu’en Europe
Centrale, deux pays existent pour la Hongrie avec lesquels nous n’avons
aucun conflit et notre identité d’intérêts est totale. La Hongrie est
capable de conclure avec eux une alliance sur le fond et même une
alliance étroite. Dans un sens, cela pourrait être l’alternative de
l’Union Européenne. Je la nomme « l’axe polono-hungaro-croate », ou bien
« l’axe de la mer à la mer ». D’une part, tous les trois pays
appartiennent historiquement à la civilisation catholique romaine, donc
au christianisme occidental. Tous les trois pays ont un passé historique
entre l’Est et l’Ouest, où il fallait survivre entre les moulins
destructeurs de l’Est et de l’Ouest, ce qui n’a pas été simple, ni aux
Croates, ni aux Hongrois, ni aux Polonais. Nous possédons une conscience
de communauté historique identique, sans oublier qu’au cours de
l’histoire, nos peuples formaient souvent une seule entité,
s’appartenant souvent, soit par un roi commun, soit par une frontière
d’État commune. Nous pourrions même penser à notre héritage socialiste,
ce qui soulève beaucoup de problèmes communs. Si nous examinons la
situation de ces trois pays, nous constatons que nos problèmes sont
communs, notre position géostratégique est la même, notre image d’avenir
peut être par conséquent également identique.
Un tel bloc de pays
entre l’Est et l’Ouest s’étendant sur un axe Nord-Sud, ayant sortie sur
mer, aussi bien au Nord qu’au Sud, se trouvant au point d’intersection
de voies de communication économico-commerciales très importantes, peut
devenir une force économique et politique capable, même vis-à-vis de
l’Union Européenne, de faire valoir ses intérêts et peut-être même de
créer les conditions économiques sociales et politiques pour notre
survie entre l’Est et l’Ouest. Je considère donc que ceci est très
important.
Je pense que dans la politique internationale,
la Hongrie doit établir de bonnes relations avec l’Allemagne, la Turquie
et la Russie : elle doit s’installer dans ce triangle. Ceci pour notre
relation est-ouest. Par contre, si nous examinons nos relations sur
l’axe vertical, alors c’est obligatoirement la coopération
polono-hungaro-croate. Ceci est nouveau dans la politique extérieure
régionale hongroise suivie jusqu’ici.
Je constate que la
coopération avec les États tchèque et slovaque est très laborieuse et
aléatoire, donc je ne la forcerai pas pour le moment. Je vois que la
République tchèque et la Slovaquie sur leur passé historique, concernant
notamment les décrets de Beneš, ont un très sérieux règlement de compte
à faire avec la Hongrie. Par contre, avec les Polonais et les Croates,
nous n’avons aucun conflit historique, nous pourrions donc calmement et
amicalement faire coïncider nos intérêts.
10. Dans
sa politique extérieure, le Jobbik regarde surtout vers l’Est. Quel est
l’avis du Jobbik sur le monde occidental euro-atlantique, y compris
l’Europe occidentale et les Etats-Unis ?
Mon avis
concernant les États-Unis est très négatif. Quand je parle des
États-Unis, je ne parle par des citoyens américains qui y vivent : je
pense que la majorité des Américains est trompée, et, qu’à leur façon,
ce sont d’honnêtes hommes. En parlant avec les Hongrois vivant là-bas,
j’entends, je vois, j’observe que les Américains sont comme n’importe
qui dans le monde : il y en a des bons et des mauvais. Nous ne jugeons
donc pas l’homme américain.
Par contre, il faut voir que
la direction politique des États-Unis – indépendamment qu’elle soit
républicaine ou démocrate – s’érige en gendarme du monde et garde son
pouvoir économique en manipulant le monde, de telle sorte que la Hongrie
en souffre beaucoup, qu’elle en est lésée. Je pense que l’Amérique
devrait renoncer à son rôle de puissance hégémonique et unipolaire, et
devrait enfin accepter que le monde devienne multipolaire et que c’est
très bien ainsi pour le reste du monde. Il n’est pas bon pour ce globe
d’être dominé par un seul pays et j’ajouterai personnellement que cela
est mauvais, surtout avec l’ordre de valeurs par lequel l’Amérique tente
de faire fonctionner les autres pays.
En ce qui concerne
l’Europe occidentale, je vois sa situation très difficile, ses problèmes
causés par l’immigration, je vois aussi l’agonie économique de l’Union
Européenne et je le dis franchement, mon cœur saigne. Pour moi, l’Europe
occidentale, que ce soit la France, l’Allemagne, l’Angleterre ou ses
autres pays, pour des raisons diverses, sont dans un coin de mon cœur.
Comme professeur d’Histoire, je me sens absolument européen ;
évidemment, je connais assez bien l’histoire de l’Europe et du fond de
mon cœur, j’espère que dans les dizaines d’années qui viennent,
s’élèvera dans toute l’Europe une génération qui sera capable d’éviter
le précipice et fera tourner l’Europe vers la bonne direction dont elle a
grand besoin. Comme j’en ai déjà parlé, retourner à nos racines, ce
n’est pas une idée vieillotte ni archaïque, car il n’existe pas d’avenir
qui ne soit pas construit sur ses propres racines.
J’ai confiance
dans le fait qu’il y aura des mouvements, des partis, des organisations
politiques avec qui nous pourrons construire une Europe commune, et à
une telle coopération européenne le Jobbik participera avec plaisir.
Donc, si la coopération européenne a pour but de sauver l’Europe,
sauver notre propre continent pour qu’il redevienne une Europe
européenne, sauver la culture à laquelle nous appartenons, alors oui,
nous serions prêts à verser notre sang, car c’est notre cause sacrée,
puisque nous autres Hongrois, nous sommes Européens. Mais pour une
Europe qui se vautre dans la fange, je le dis franchement, je ne verse
pas de larmes. Je pense que cette Europe-là doit disparaître pour donner
la place à une Europe meilleure et plus pure.
11.
Vous avez évidemment entendu parler des événements récents en France,
où la protestation contre le mariage des homosexuels a mis dans les rues
des millions d’hommes, et on a vu en quelques endroits, de grandes
brutalités policières. Malgré cela, l’Assemblée Nationale française a
adopté cette loi. Quelle est votre opinion là-dessus ?
Tout cela a comme une odeur de fin de partie, de « game over », pour
l’Europe occidentale. À vrai dire, le libéralisme qui ne peut plus rien
représenter dans l’Histoire, puisqu’il n’y a plus rien à libérer en
Europe, s’est fait le porte-parole de toutes sortes de déviances pour
qu’il puisse justifier sa propre raison d’être. Ce qui fut ou put être
une valeur dans le libéralisme, ce sont la liberté de presse, la liberté
d’opinion et la liberté de réunion : le libéralisme a obtenu tous ces
droits. Nous vivons tous sur la base de ces droits de liberté. Dans ce
sens, le libéralisme est devenu sans objet, mais étant donné que le
libéralisme est devenu pour beaucoup de personnes jusqu’à nos jours une
source de subsistance et une possibilité de domination, il a trouvé
toutes sortes de raisons et de motivations de se rendre indispensable,
comme par exemple sur la question de l’homosexualité. Je pense que c’est
l’acte final d’une Europe malade et décadente et je ferai tout pour
qu’elle ne puisse pas s’infiltrer en Hongrie.
Depuis
quelques années, il existe aussi en Hongrie de tels défilés (gay pride)
et l’on parle même à ce sujet de projets pour les encadrer par voie
légale. Ce qui est sûr : si le Jobbik arrive au pouvoir, il va non
seulement barrer la route à ces élucubrations légales, mais il n’y aura
plus jamais de « gay pride ». Je ne voudrais pas vivre dans un pays, et
je n’aimerais pas non plus que mes enfants grandissent dans un pays, où
le maladif est le sain, le sans-valeur est la valeur et la laideur est
la beauté. Je voudrais que l’on retrouve les choses dans leur
signification d’origine.
12. À long terme, le
Jobbik pourrait-il gouverner le pays ? Serait-il capable de diriger le
pays, est-ce que le Jobbik a les experts nécessaires ? Comment
imaginez-vous la situation internationale au cas où le Jobbik arrive au
pouvoir ?
De toute façon, je peux dire que le
Jobbik est prêt à gouverner. C’est évident, nos adversaires politiques,
le Fidesz et le MSZP, dans tous les domaines, ont pour objectif de nous
en empêcher, et ils présentent le Jobbik comme incapable de gouverner.
Nous avons déjà vécu cela : ils ont déjà dit la même chose pour notre
entrée au Parlement. Ils ont dit ceci : « Ce parti ne pourra jamais
entrer au Parlement ». Puis, nous y sommes entrés avec 17 % des voix.
Maintenant, ils disent : « Ce parti est incapable de gouverner ». Mais
cela nous y parviendrons aussi, car nous nous y sommes préparés, nous
avons les spécialistes qualifiés et notre programme aussi, donc je n’ai
pas peur. C’est vrai, nos experts ne sont pas visibles. Beaucoup de gens
les réclament et demandent : « Pourquoi ne voit-on pas les conseillers
du Jobbik ? » C’est clair : parce que ces hommes ont peur. Si
aujourd’hui, par exemple, un professeur d’université se présente comme
spécialiste compétent et déclare être d’accord avec le Jobbik, il est
immédiatement viré de son lieu de travail. Mais laissez-moi vous dire
qu’il y a beaucoup de spécialistes compétents qui attendent, même dans
l’administration actuelle, comme « des membres dormants », que le Jobbik
sauve ce pays et puisse le rendre aux Hongrois. Je n’ai donc pas peur
de ne pas pouvoir gouverner.
Mais il existe une question
autrement plus sérieuse et c’est un dilemme lourd : comment le Jobbik
pourra-t-il faire face à la série d’attaques internationales qui se
déclenchera contre la Hongrie qui suivra notre arrivée au pouvoir ?
C’est pour cela que la politique extérieure est extrêmement importante.
Il faut que la Hongrie dispose de plusieurs partenaires et alliés dans
le monde qui oseraient intervenir dans une telle situation pour la
liberté des Hongrois, ce qui sera en même temps une lutte pour la
justice du monde entier.
Les forces contre lesquelles nous
voulons défendre la Hongrie, l’Europe, et toute la région eurasienne,
sont des forces ennemies contre tous les autres pays, des forces
ennemies ayant une volonté colonisatrice. Si je peux le dire, le combat
du Jobbik peut être aisément placé dans un système de coordination
internationale et je suis très confiant sur notre capacité à trouver des
partenaires, soit à l’Est, soit à l’Ouest, qui nous soutiendront, si la
Hongrie est attaquée quand le Jobbik sera au gouvernement. Le moment
viendra, quand enfin la Hongrie et d’autres pays de l’Europe pourront
transformer l’ordre mondial actuel dominé par l’Amérique qui est un
ordre erroné, en un autre ordre beaucoup plus juste, qui puisse donner
plus de paix, de bien-être, de développement économique à notre monde.
De toute évidence, je ne suis pas d’un naturel rêveur. Je ne crois pas
qu’un jour un ordre mondial pourrait se construire qui serait bon pour
tous les habitants du mondes sans avoir d’aspect négatif. Par contre, je
crois qu’on peut créer un bien meilleur ordre que l’actuel, non
seulement pour la Hongrie, mais pour le monde entier. Nous, ici, dans
notre pays, nous luttons pour cela et croyons que d’autres voudront
également lutter dans le même but.
Interview réalisée en juillet 2013 par Philippe Derricks pour ProRussia.tv
Traduit par Lajos Marton
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