vendredi 11 décembre 2015

Décembre 1960, le mois de la révole et de l'insurréction

Il y a 55 ans, le 11 décembre 1960, au chant de
                     Min djibalina talaa saoutou el ahrar,
le peuple algérien descendait dans la rue, la poitrine nue, face aux mitrailleuses françaises. « C’est fini, on ne se taira plus, même s’il faut en mourir », clamait-il.
Bravant la mort, le peuple occupe le haut du pavé dans les grandes villes comme Alger, Oran et Constantine, où la population algérienne – les indigènes comme les Européens les appelaient – est surveillée de très près par les officiers français de l’action psychologique à travers les S A U. Le peuple descend dans la rue également à Skikda, Annaba, Bejaia, Blida, Cherchell, Tlemcen …
Pour illustrer l’ampleur des manifestations populaires patriotiques du 11 décembre 1960 qui urent lieu sur tout le territoire national, je voudrais évoquer, à titre introductif au débat, l’exemple de Belcourt et de la Casbah
Belcourt. Il est 10 heures. Sous une pluie fine, une marée humaine, brandissant le drapeau de l’Algérie combattante, surgit des quartiers populaires du Vieux Kouba, du Ruisseau, du Clos-Salembier, de Birmandreis, en passant par le Ravin de la Femme Sauvage. Grossie par la foule descendue des hauteurs de Belcourt et des lieux environnants, elle s’approche du quartier européen du Champ-de-manœuvres où s’étaient groupés les partisans de l’Algérie française.
Sur fond du chant patriotique Min Djibalina, des milliers de voix entonnaient à l’unisson :
                    Vive le GPRA
                    Abbas au pouvoir
                    Algérie musulmane
                    Vive l’ALN !
                    Vive le FLN !
« C’est un spectacle qui coupe le souffle, écrit un journaliste français. La rue Albert – Rozet (laaguiba comme les enfants de Belcourt la nomment), une ruelle de 3 mètres de large, qui descend sur près de 800 mètres des hauteurs de Belcourt, semble prête à éclater sous la tempête qui s’y déchaîne. 5000 Musulmans sont entassés et brandissent des drapeaux vert et blanc à croissant rouge, des pancartes :
Algérie indépendante
                    Libérez Ben Bella
                     Referendum sous contrôle de l’O N U
                     Lagaillarde au poteau
Au premier rang, des jeunes lèvent le poing. Derrière eux des jeunes juchés sur des épaules, brandissent des banderoles « Vive le FLN », témoigne le journaliste français.
Sur une large banderole barrant la rue de Lyon (aujourd’hui Mohamed Belouezdad), on lit Négociations.
Une sorte de réponse au général de Gaulle, Président de la République française, qui, avant d’entamer son voyage en Algérie au mois de décembre 1960, avait réaffirmé son refus de discuter avec le GPRA de l’avenir de l’Algérie, lors d’un discours prononcé à Paris le 4 novembre, un mois auparavant. Le but de son voyage en Algérie était de présenter aux corps constitués son projet de loi qu’il devait soumettre à référendum le 8 janvier 1961. Le projet de loi portait sur la mise en place d’un Parlement et d’un exécutif algérien « qui, une fois établis, détermineront en temps utile, la date et les modalités du référendum d’autodétermination ». « Construire l’Algérie algérienne sans et contre le FLN », disait Bernard Tricot, collaborateur immédiat de de Gaulle. C’est cette Algérie que les officiers de l’action psychologique voulaient faire plébisciter par les Algériens.
Les militants du Front de l’Algérie française, le FAF, accueillirent, par des cris hostiles, le général de Gaulle, arrivé en Algérie le 9 décembre 1960. Ils appelèrent à la grève générale. C’est pour étendre cette grève aux quartiers musulmans qu’ils entrèrent en force dans Belcourt. « Ils sont venus nous provoquer, déclara un jeune de Belcourt à l’envoyé spécial du quotidien français Le Monde. Nous avons réagi ». D’où le caractère apparemment spontané de la manifestation, comme le souligne un responsable de la zone 6 de la wilaya IV. Mais le peuple d’Alger était conscient de l’enjeu. Sa réaction fut politique. Il surprit les officiers de l’action psychologique qui pensaient l’entendre crier « Algérie algérienne », lui faisant avaliser, par- là, la politique néocoloniale du général de Gaulle intéressé par les gisements de pétrole de l’Algérie.
En voyant le drapeau de l’Algérie combattante surgir dans Alger qu’il pensait « pacifiée », un des officiers confia à un journaliste français : « Nous avons subi un véritable Diên Biên Phû psychologique… Pensez qu’on crie « Vive le FLN ! ». Reprenant cette réaction, le journaliste écrivait : « L’explosion des sentiments populaires…réduisait à néant les constructions de l’action psychologique ».
Un autre exemple pour illustrer ces manifestations sorties des entrailles de la société humiliée par le colonialisme français. Celui de la Casbah, berceau du nationalisme algérien, symbole de la lutte permanente contre l’ordre colonial sanguinaire, la Casbah qui connut la torture et les disparitions au cours de la Bataille d’Alger.
La Casbah, encerclée par les Zouaves, entourée d’une triple rangée de barbelés, la Casbah des guillotinés réveillée par les you you des mères des martyrs crie à pleins poumons
                                                Tahya el Djazair,
                                              Yahia el Istiqlal.
A travers les ruelles en escaliers, les enfants arborent le drapeau de l’Algérie combattante.
Les manifestations patriotiques de masse gagnèrent tout le territoire, malgré les dangers de mort. Car il y a eu des morts par dizaines. Les militaires français tirèrent sur la foule à Alger, à Oran. Ils tuèrent la petite écolière Saliha Ouatiki (13 ans) dont l’enterrement au cimetière Sidi M’Hamed fut troublé par les tirs des militaires français sur la foule qui accompagnait l’enfant-martyr à sa dernière demeure.
En ce mois de décembre 1960, la guerre d’indépendance entrait dans sa septième année. Les manifestations de masse, se conjuguant à la lutte armée, contraignirent le gouvernement français de discuter de l’avenir de l’Algérie avec le GPRA et de signer avec lui le cessez-le-feu, le 18 mars 1962.
Les manifestations populaires, prélude de la victoire finale, marquèrent ainsi un tournant décisif dans la longue lutte du peuple algérien pour l’indépendance.
                                     Si le peuple, un jour, …….
Mohamed Rebah
  • C’est à Diên Biên Phû, au Viet Nam, que le corps expéditionnaire français subit la défaite qui sonna le glas du colonialisme français dans cette région. Un historien allemand qualifia les manifestations de décembre 1960 en Algérie de Diên Biên Phû politique pour la France impériale.

2 commentaires:

  1. -EN HOMMAGE AUX ENFANTS DE LA RÉVOLUTION, ET DE L INDÉPENDANCE.

    -Je me rappel lors d'une manifestation des années 60 à béjaia,

    -à l'époque nous habitions les bâtiments de la cité Bordeaux,

    -et c'était nous les petits enfants qui avaient les premiers commencées a manifesté en scandant :

    - Algérie Algérienne, Tahya el Djazair etc...etc..

    -puis les grands se mêlèrent à notre groupe, pour ainsi devenir au fur et mesure une immense foule,

    -une véritable marais humaine,

    -des hommes, des femmes, et des enfants et tout le monde scandait les mêmes slogans mêlés aux youyous,

    - c'était la première fois de ma vie que je voyais le drapeau algérien, il y en avais pas beaucoup,

    -j'étais au premier plan parmi les bambins de mon âge, j'avais 8 ans,

    -en descendant la ruelle, tout en criant avec la force de toutes mes cordes vocale,

    -Tahya el Djazair, je m’époumonai,

    - c'est alors que que j'aperçus un soldat français entrain de placer au milieu de la rue une mitrailleuse type 24,

    -à ce moment là, j'ai vite deviné la tournure de la situation et des événements, j'ai fuis en courant à la maison,

    -peu après, j'ai entendu des coups de feux, par saccades, et par rafales ininterrompus,

    -j'ai entendu des cris, des hurlements, mêlés aux slogans,

    -les gens fuyaient dans tous les sens, entraient dans les maisons, puis revenaient à la charge,

    -les soldats français courraient derrière eux, tiraient sans pitié,

    -défonçaient dans un brouhaha indescriptible,

    -et un vacarme terrible et assourdissant les portes à coups de crosses,

    -de godasse et à l'aide de pelles métalliques qu'ils portaient à leurs ceintures;

    -je regardais la scène par les fentes de la fenêtre de notre salon,

    -je voyais les gens traînées les morts, les blessés, le sang était partout,

    - c'était un jour terrible et indescriptible, j'ai failli mourir de peur,

    -ce jour là j'étais inconsolable,

    -j'aperçois une jeune fille aux prises avec un soldat qui tentait de lui arrachait le drapeau algérien qu'elle portait sur elle,

    - il lui déchira le corsage de sa robe, découvrant ainsi sa poitrine,

    -un autre algérien accouru vers elle, dans un élan fraternel et de solidarité,

    -et l'enveloppa de sa veste, l'armée coloniale tire sur les manifestants,

    -les béjaouis répliquaient par des jets de pierres, et cela jusqu'à la tombée de la nuit,

    -chaque algérien qui tombait sous les balles étaient accueilli, par les youyous des femmes;

    -la citée était totalement quadrillée;

    -le lendemain on enterra les morts au cimetière de Sidi Mhamed juste à coté de notre cité,

    -ce jour là, j'ai su ce que valait le courage, la bravoure et le patriotisme des algériens,

    -sans oublier le jour ou l'armée coloniale larguait des tracts par hélicoptère annonçant la mort du colonel Amirouche,

    -et en même temps la fin de la rébellion,

    -que le FLN était décapité,

    -sans oublier ainsi le 19 Mars 1962, et ce qui s en suivit après avec les OAS et ses attentats,

    -les meetings que tenaient les responsables du FLN, et de L'ALN, devant le palier de notre maison,qui donnait sur une grande cour ou parking,

    -la confection des drapeaux algériens,

    -les discours politiques,

    -les Anachides qu'on nous apprenaient dans les garages de la citée,

    - les écriteaux sur les murs, et les frontons des immeubles et des bâtiments tel :

    -Vive le FLN,

    -Vive L'ALN,

    -un seul héros le peuple,

    -votez oui FLN,

    -gloire à nos martyrs,

    -Allah Yerham Echouhadda,

    -le jour du référendum,

    -et enfin le jour de gloire,

    -5 JUILLET 1962, jour de l'indépendance,

    -nous étions les enfants de la révolution,

    -les enfants de l'indépendance,

    -et ce que j'ai relaté n'est qu'une de toutes les manifestations vécues à béjaia.

    http://oumma.com/sites/default/files/drapeau_algerine.jpg

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  2. Merci d'avoir posté ce témoignage

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