samedi 8 octobre 2016

L’urgence d’une réorientation de la politique économique en Algérie

Revaloriser l’élite du pays en Algérie constituerait un évènement important qui traduirait la prise de conscience d’une réorientation de toute la politique économique et sociale d’adaptation aux mutations internes et mondiales et d’aller véritablement vers un développement durable seule condition d’amélioration de l’emplois et des salaires. L’histoire de l’évolution des civilisations montre clairement que leur prospérité ou leur déclin est intimement lié à la promotion ou non de la culture d’une manière générale et du savoir d’une manière particulière. Dans la nouvelle donne internationale du 21ième siècle, il existe une lutte féroce pour attirer les capitaux et le fondement du développement, la maîtrise des connaissances.



1.-Avec le rétablissement de la paix et le retour incontesté de l’Algérie sur la scène internationale, toutes les conditions sont réunies pour un véritable développement au sein de l’espace euro méditerranéen et africain espace naturel de l’Algérie, et relever le défi numéro un qu’est la lutte contre le chômage et la pauvreté. Toutefois, évitons les illusions de la rente éphémère qui irrigue, en majorité les indicateurs économiques et sociaux. En effet, même si aujourd’hui les indicateurs financiers de l’Algérie sont tenables transitoirement pendant quatre années, le cadre macro-économique risque une déstabilisation faute de réformes structurelles profondes. Le PNB ou le PIB par tête d’habitant qui a évolué positivement, est un indicateur trop global. L’important est de lui substituer l’indice du développement humain pour avoir une appréciation correcte du niveau de développement. Tenant compte du niveau d’éducation, de la santé et récemment de la protection de l’environnement. Aussi, la conclusion fondamentale concernant notre pays, à la lumière de toutes les expériences mondiales, est qu’il ne peut y avoir aucun développement durable et une lutte efficace contre le chômage et la pauvreté sans la revalorisation du savoir et donc de l’élite du pays dont les bienfaits sur toute société ne peuvent se faire sentir qu’à long et moyen terme, loin des indicateurs économiques de court terme. Avec la généralisation de l’immigration choisie que la plupart des pays développés appliquent, en premier lieu les USA, l’Algérie, à proximité de l’Europe, risque, si elle ne revalorise pas son élite, de se voir vider de toutes ses compétences. D’où l’importance stratégique d’une réorientation urgente de toute la politique économique et sociale axé sur le savoir ère du XXI ème siècle qui a remplacé l’ère de la matérialité du XX ème siècle. Les infrastructures ne sont qu’un moyen, l’élément essentiel est la ressource humaine ; surtout qu’à l’horizon 2020 il faudra accueillir plus de 15 millions d’élèves du primaire au secondaire et plus de 1,5 millions d’étudiants. Il est important de voir ce que l’Etat a transféré sous forme de devises pour l’immatériel, c’est-à-dire les compétences étrangères, qui avoisinent entre 2010/2015 entre 10/ l2 milliards de dollars an, montant qui risque de croître de manière vertigineuse si l’on ne prend pas garde à cet exode massif de cerveaux – richesse bien plus importante que toutes les réserves de pétrole et de gaz.

2.- Le développement durable impliquant une politique cohérente, ajustant efficacité économique et cohésion sociale, renvoie à la nécessité de concilier la croissance démographique et la croissance économique et donc une vision claire et datée de la politique socio-économique afin d’orienter les choix stratégiques. Cela induit une refonte urgente du système d’information à tous les niveaux. Sa non fiabilité actuelle donne lieu à des querelles stériles, préjudiciables à l’image du pays. D’où l’urgence d’une vision globale passant par la réforme de l’Etat, par la lutte contre la bureaucratie et la corruption, l’intégration de la sphère informelle, au moyen de mécanismes transparents dont la démocratisation de la décision économique, sphère produit de la bureaucratie qui trouve sa puissance du fait même de son existence, la réforme du système financier, fiscal et douanier – lieu par excellence de la distribution de la rente. D’une manière générale le fondement d’une politiquer de l’emploi fiable est une amélioration de la gestion et la lutte contre le gaspillage (15 à 20% d’économies de gestion permettraient d’augmenter dans la même proportion les salaires sans aucunes incidences) et surtout la réhabilitation du savoir (impact positif à moyen et long terme) dont il est utopique de lui appliquer les critères de productivité valables uniquement pour les entreprises. Tout bilan économique et social ne saurait se limiter aux seules données physiques ou monétaires qui n’ont qu’une signification très limitées et peu de portées sur d’éventuelles corrections à apporter en cas d’incohérences.

3.-On voit de par le monde que le problème de la croissance et de l’emploi est un problème sérieux et il y a lieu d’éviter toute fuite en avant. S’il s’agissait uniquement d’injections monétaires et de payer à travers le canal des recettes des hydrocarbures tout le monde, le chômage tendrait vers zéro. Ce n’est pas si simple, contrairement aux déclarations de certains responsables qui privilégient faussement la dépense monétaire sans distinguer les emplois utiles et créateurs de valeur ajoutée, des emplois sous forme d’assistanat qui constituent un transfert de la rente. C’est que du fait de l’ancienne culture rentière, on oublie facilement que le salaire en économie de marché est un prix, que le travail est créateur de plus value, que dans les pays développés la part des salaires dans le PIB fluctue entre 45/60%, alors qu’en Algérie dominent les emplois rente qui voie l’importance du taux de chômage. Ce n’est pas le nombre de fonctionnaires qui apportent la condition de l’efficacité mais surtout leur affectation dans les segments utiles. Mais une dévalorisation a un impact négatif sur le service public rendu, sans compter les risques de corruption. A ce titre, pour toute politique salariale fiable, il faudrait séparer nettement la sphère économique de l’administration, chacune soumise à des logiques différentes bien que complémentaires. Le but est de maximiser la fonction du bien être collectif de la population algérienne, le statut du fonctionnaire devant être en adéquation avec le nouveau rôle de l’Etat dans une économie de marché. Les réformes juridiques et budgétaires, même louables et importantes, que contredisent quotidiennement hélas les pratiques sociales, laissent encore une place à la concentration excessive des revenus en faveur des couches spéculatives rentières, alors que la détérioration accélérée du cadre de vie et de l’environnement de nos villes et campagnes deviennent actuellement un danger pour la sécurité nationale. Nous nous trouvons dans une situation où l’augmentation des dépenses monétaires est non proportionnelle à l’accroissement du PIB, en même temps qu’une baisse du pouvoir d’achat d’une fraction importante de la population algérienne.

4.-En résumé, la consolidation durable du corps social est inséparable d’une croissance soutenue basée sur le savoir, dont le noyau, sont les entreprises publiques, privées nationales et internationales sans distinction, croissance conditionnée par la cohésion sociale. Une enquête commandée par la communauté économique européenne et menée auprès de plus de 500 chefs d’entreprises, révèle que pour les critères d’attrait des IDE, la présence d’une main d’œuvre qualifiée est placée à la deuxième position après la proximité du marché des clients et des consommateurs, au même niveau que la sécurité de l’environnement politique, économique et social et la disponibilité des infrastructures et télécommunications. Le développement durable de l’Algérie sera largement conditionné par l’avancée des réformes et de la Démocratie se fondant sur une société plus participative et citoyenne, tenant compte de l’ouverture sur la modernité tout en préservant notre authenticité.

Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

Source : Algerie1

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